Quel magnifique chapitre XXXII du Contre un Boileau de Philippe Beck pour en venir aux fonds de l’automate (je m’en voudrais de réduire ce livre ainsi) ! La plus-que-condensation qu’il pratique rend assez vain une tentative de résumé. Faudrait-il pour autant, se mettre à en déplier chaque mot, chaque groupe de mots, chaque forme grammaticale, chaque énoncé, chaque phrase (d’une certaine manière, je me retrouve là avec les interrogations précédentes sur la condensation de la table-cabinet) ? Evidemment, c’est bien cette densité de blocs juxtaposés qui oblige à suivre, balotté par une fulgurance impitoyable. Pas d’autre possibilité dans l’état de mes investigations ( c’est-à-dire sans assez d’expériences plastiques d’impressions 3D pour ajuster les réflexions ) que d’extraire quelques paragraphes de la page 395, avec l’idée d’y revenir d’un mot à l’autre – un lien vers une page de travail pour chaque terme rencontré au cours de ces impressions, une méthode qui mêle indifféremment matériaux de construction et matériaux théoriques.
“L’art poétique décrit la rue dans la pensée, la ranimation continuée du poème, marionnette alternant pause, inertie ou stase, et redépart, élan, rebond, geste mécanique-organique, et non pas la “machination de faiseurs”, le résultat de la machination, la “construction de langage”, marionnette immobile dans l’atelier-boutique du philistin artisan; rien ne sort de l’ergasterion d’un Gepetto soumis que ne déborde pas sa “création”. L’artiste, un faiseur, est un artisan marionnettiste, un menuisier extatique qui, en fabriquant, tire déjà les ficelles, poétise son art, enveloppe une formule dépendant de la chose “plus abstraite”, malgré la cohérence du “monde représentatif”, qui ne suffit pas. La danseuse florale mécanisée dont le poète élabore les gestes est un pantin jamais automate. Le ballet est aussi dehors, sans larme écrite. Un autre ballet le refait.
Le poème absolu, hiératique, automate, est un mythe. L’auto-programme endort l’idée. En fait, un homme tire les ficelles d’une “organisation mécanique”, et dépend à son tour de la “créature” maniée. (…) Les lecteurs imaginent la forme fermée, mais l’automate est une pauvreté, l’idée d’un être-à-la-mort où l’exposition vivante n’a pas lieu. L’art sans la poésie serait dépendant d’un être-à-la vie jamais offert aux possibilités vivantes de l’antirythme (de l’arrêt au milieu du flux représentant). Pinocchio (le poème) n’est jamais un automate (un robot seul); malgré l’ellipse de ses mouvements, il ne va pas tout seul.”