Le Polichinelle de la commedia dell’arte descendrait des pitres masqués latins des Atellanes, les farces de la ville osque d’Attela en Campanie. Ces petites pièces satiriques étaient jouées par des personnes masquées dont les rôles étaient fixes. Quelques figurines antiques ainsi que des peintures de Pompéi représentent Maccus, le niais, la tête nue, avec de grandes oreilles, un nez démesuré incliné fortement vers le menton oblique et un corps avec une double bosse.
Kikirrus portait le masque thérianthrope d’un coq. Le personnage napolitain de la commedia dell’ arte en est une version adoucie, comme son nom le suggère – Pulcinella signifie petit poussin.
Au chapitre 6, Pinocchio, toujours tenaillé par la faim, s’endort épuisé, ses pieds mouillés sur le brasero, lesquels brûlent petit à petit. Geppetto le découvre ainsi, incapable de tenir debout. Au chapitre 8, il lui fabrique de nouveaux pieds, d’un autre bois que le morceau originel dans lequel est fait le pantin. La greffe se fait avec un peu de colle diluée dans une coquille d’oeuf, celle du poussin que Pinocchio avait fait éclore au chapitre 5. Alors, refait à neuf, le pantin fait remarquer qu’il est nu.
Geppetto lui fabrique des vêtements végétaux: “un ensemble en papier à fleurs, des souliers en écorce d’arbre, et un bonnet de mie de pain.”
Le costume de papier ne résiste pas à l’eau, les souris peuvent grignoter le bonnet et les chaussures brûler.
Parmi les dessins de Carlo Chiostri, il y a une autre image d’un vêtement indéfini qui recouvre la nudité du pantin.
Les vêtements des marionnettes, des pantins, des poupées sont des accessoires qui servent à désigner les rôles et les humeurs. Les figurines endossent leurs costumes, elles se volumisent pour feindre l’humain.
De ces considérations, j’en tire les modes de représentations des figures correspondant à des phases différentes d’empathie et de projection anthropomorphique :
en 3D
– Pinocchio sous sa forme “nue”, en papier
– Pinocchio sous la forme habillée d’une robe indéterminée, en papier
– Pinocchio avec des vêtements, en papier
– statuettes type Maccus entièrement en plastiline
– statuettes type Maccus avec robe indéterminée en papier
– poupées de papier à différentes étapes de fabrication
en 2D
– silhouettes type poupées en carton à habiller.
(dans tous les cas, intégration des modules sons à préciser)
Tous ces éléments sont manipulés selon le déroulement du texte. L’installation est conçue dans son mode non activé avec des zones diverses occupées par toutes ces formes.
Dans le Grand Théâtre des marionnettes, Pinocchio est accueilli avec de grandes marques de joie. Arlequin et Polichinelle sont déjà sur scène, ils “se querellaient et s’apprêtaient, comme d’habitude, à en venir aux gifles et aux coups de bâton. Leur prise de bec faisait se plier de rire un public captivé. Les deux marionnettes gesticulaient et s’envoyaient des injures avec tant de naturel qu’elles paraissaient aussi vivantes que vous et moi. Mais vivant ou pas, Arlequin s’arrêta soudain de jouer. Faisant face au public, il montra de la main quelqu’un au fond de la salle et se mit à déclamer avec emphase:
– Dieux du ciel ! Est-ce que je rêve ou suis-je éveillé ? Pourtant, c’est bien Pinocchio que je vois là-bas !
– C’est vraiment Pinocchio ! cria Polichinelle à son tour.
(…)
– Pinocchio, viens-là ! cria Arlequin, viens te jeter dans les bras de tes frères en bois !”
Pinocchio est fait dans une matière en transformation selon les situations. Cela commence dès que Geppetto le fabrique : chaque partie s’anime dès qu’elle prend forme. Avec les marionnettes, il devient une deuxième fois pantin de bois selon d’autres règles d’animation.
Pinocchio joue avec les degrés entre animé et inanimé. Il les actualise en mettant à l’épreuve sa propre matérialité. En ce sens, il se confronte en permanence aux rapports formels.