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fabrication de Geneviève et son Arlequin/Polichinelle _ 1

Pour le début de la fabrication de la scène originelle mallarméenne dans l’installation,
à l’échelle 1, nécessité d’en rappeler les principaux termes pour aider à cette réinterprétation.

Considérer cette scène comme origine est une donnée factuelle. C’est à partir de cette image que le projet Assez vivant s’est imaginé, puis déplié. Je l’ai trouvée, par hasard, en travaillant pour Magellan. Je n’avais pas cherché de documents sur Mallarmé et Geneviève enfant, ni sur les jouets d’Anatole et Geneviève pour le film Hospitalité, il m’a fallu un autre type de familiarité par tant et de tant de lectures et relectures des textes de Mallarmé et d’essais si nombreux. Pendant l’année et demie de tournages ponctuels pour saisir chaque saison à Vulaines, je n’ai touché qu’avec une certaine crainte les objets si soigneusement choisis, dans la pénombre de la maison. Mais ces journées à regarder la table des mardis, la pendule de Saxe, les bols décorés d’un coq, le lustre, le miroir de Venise, le châle du portrait de Nadar, le cabinet japonais, la bibliothèque etc… après les heures d’attente du point de jour sur la Seine ou l’instant où elle stagne comme un lac, les signes du printemps dans la désolation de l’hiver m’ont envahie plus que je ne l’avais pensé à ce moment. Le 15 octobre 2015, à Paris, Sotheby’s a mis en vente et dispersé la bibliothèque de Mallarmé léguée à Geneviève à sa mort en 1898 – livres, manuscrits, objets, lettres, croquis, notes, photographies à voir derrière des vitres, le temps prévu à cet effet. Je me suis surtout souvenu de ce que Jean-Pierre Richard nomme le tissu glacé de la vitre, qu’il commente en notes (1) à partir de ces extraits:  “La vitre, qui mettait, sur l’acquisition,
un froid …”, “Toute maîtrise jette le froid : ou la poudre fragile du coloris se défend par une vitre”, “Je ne participe pas au printemps, qui semble à des millions de lieues derrière mes carreaux.”
Par la distance qu’elle glisse entre lui et l’objet regardé, la vitre, pour Mallarmé, condense l’inaccessibilité, celle des “altitudes lucides”, du papier blanc à la dalle mortuaire.
En prenant cette image comme scène originelle, je cherche à glisser cette vitre sur la scène théâtrale. La scène de Geneviève entre un et deux ans, accoudée à l’austère chaise recouverte de cuir de type Henri II, à côté de son Polichinelle, faisant face au regard du photographe et au regard paternel est une immobilité sédimentée comme derrière une succession de vitres. Les éléments qui vont la reconstituer seront les seuls intouchés pendant l’activation. La scène retraduite est l’initiative dramaturgique de l’installation.

Geneviève est née le 19 novembre 1864.
En toute fin d’une lettre à Théodore Aubanel du 16 octobre 1865, Mallarmé parle de Geneviève:
” Geneviève est une vraie petite femme, et m’aime follement de pair avec un magnifique Polichinelle que je lui [ai] apporté. Elle parle indistinctement le Français et l’Allemand, marche avec un soutien, et bientôt se promènera seule.” Le verbe entre crochets correspond à ce que l’éditeur appelle texte reconstitué.
Or, Mallarmé fait mention d’un magnifique personnage destiné à Geneviève dans une lettre à sa femme du 23 décembre 1865:
Paris Samedi matinma bonne Marie,
Ma pauvre Marie, je ne pourrai pas te voir la Nuit de Noël. (…) J’ai acheté un a,b,c,d à Geneviève, mais il est si charmant que je le garde pour quand elle apprendra à lire, et que je vais aujourd’hui lui choisir tout simplement un petit recueil d’images sans lettres.
Je ne veux pas que Geneviève perde rien à mon retour retardé: si tu n’as pas reçu , dimanche, dans l’après-midi, une caisse, à jour, avec de la paille, va la réclamer à grande vitesse. Elle contient une boîte d’animaux en bois blanc, (il n’y a d’arches de Noé qu’avec des animaux peints, et j’ai couru tout Paris sans en trouver d’autres): tu mettras cette boîte sur ses petits souliers. Il y a encore un magnifique personnage: mais ce sera pour le jour de l’an quand elle viendra me réveiller. Cache-le bien, et ne le lui montre pas jusque là ! (…)

Ce magnifique personnage est-il ce Polichinelle ? Ce que contredit la lettre antérieure à Aubanel. Mais le verbe entre crochets est peut-être à remettre en doute. Il ne m’est pas du tout indifférent de situer le contexte de l’achat du pantin, dans l’acceptation d’excès biographique que j’avais mis à distance précédemment.

 pour fabrication Geneviève, 1866

Geneviève, 1866

Ce type de Polichinelle semble avoir été fort en vogue dans les boutiques de jouets à la fin du 19ème, début 20ème, sous la forme d’une poupée-pantin ou d’une marionnette. Les cartes postales de voeux de Noël ou jour de l’An en témoignent. Elles permettent d’en reprendre les traits et le costume au plus juste. Elles relativisent aussi l’étrangeté de la photographie de Geneviève. Le caractère inquiétant des jouets est une permanence dont les formes sont contextuelles.

pour fabrication polichinelle

Pour Geneviève, j’ai opté pour un mélange entre des traits assez génériques de la petite enfance avec ceux plus affirmés vers 5 ans.

pour fabrication Geneviève

Geneviève, 1869

Dans la correspondance, Mallarmé fait quelques allusions aux yeux bleus de la petite fille encore bébé:
« Elle est d’une force surprenante, belle enfant rose et blanche, avec de longs yeux bleus et de grands cheveux noirs », lettre à Mme Desmolins, 20 novembre 1864.
« Les yeux sont presque bleus encore, mais ils changeront, hélas ! »,  lettre à Henri Cazalis, 26 décembre 1864.
« Je n’ai pas fait de vers, tous ces temps-ci, mais j’ai eu une petite fille bien rythmée, dont les yeux ont un bleu que je ne saurais mettre à mes rimes », lettre à Joseph Roumanille, 30 décembre 1864.
Autres allusions au fait que ses cheveux sont noirs – alors que ceux de sa mère sont blonds.

  1. in L’univers imaginaire de Mallarmé, p. 75-77

Furby et pâte à modeler

Quelques usages de la pâte à modeler pour faire semblant d’appartenir à la catégorie Furby:
La pâte à modeler suivant les ingrédients qui la composent est plus ou moins malléable dans le temps. Elle perd son adhérence  aux objets et aux parois.


Furby dépecé et recomposé comme un Furby


Statuette de bois transformé en Furby,
Assez vivant, première restitution fin de résidence avec Marie de Quatrebarbes, La Pratique, Vatan

       
Wall Mount for vintage Furby collections (Mint condition) #1
Brad Troemel, une pièce de 2015 qui réunit prises pour mur d’escalade comme dans les aires de jeu et Furby provenant des éditions limitées de Mac Donald pour  les Happy Meals.
On pourrait imaginer l’ensemble en play doh se détachant progressivement du support.

 

réseau neuronal et pâte à modeler

Creatures est l’un des tout premiers jeux utilisant un réseau neuronal artificiel, ensemble d’algorithmes simulant une vie artificielle. Les réseaux de neurones exploitent des méthodes  de type probabiliste et statistique combinées à celles de l’intelligence artificielle pour traiter les données selon la logique formelle recherchée.

Les Norns se développent au hasard du jeu. En reproduisant certains Norns avec d’autres on transmet des traits et caractères à d’autres générations. Les Norns se comportent comme des organismes vivants et leur programmation s’est développée pour la compréhension de l’évolution de vrais organismes.
Au début du jeu, 6 oeufs, chacun pouvant donner naissance à un Norn. Chaque Norn est unique par son “code génétique virtuel”. Il a des caractéristiques physiques, un caractère et un mode de raisonnement différents de ses semblables.
Il s’agit d’apprendre à la petite créature à survivre, à communiquer, à manger ce qui lui convient. Les Norns, une fois grands adolescents, doivent penser à se reproduire.
Au fil des générations, s’organise un peuple de Norns, qui ont évolué tous différemment.
Le monde des Norns est rempli: des fruits, des légumes, des jouets, des insectes, des ascenseurs, des téléporteurs, un ordinateur et … une autre espèce les Grendels.
Les Norns ressemblent à des peluches aux grands yeux. Les Grendels sont nettement moins mignons, ils sont agressifs et porteurs de maladies. Il est toutefois possible de faire se croiser les 2 espèces ou même d’élever des Grendels à partir d’un oeuf de Grendel.

Créé dans le milieu des années 1990 par Steve Grand qui travaillait alors pour la firme de programmation de jeux vidéo Millennium Interactive, le logiciel a été considéré comme une percée importante dans la recherche sur la vie artificielle. Il a eu un gros succès et la communauté de joueurs a été l’une des plus importantes dès les débuts d’Internet.
Le jeu est aujourd’hui un abandonware, également accessible sans téléchargement.

Les difficultés rencontrées pour produire les modélisations 3D et les animations ont conduit à la construction de maquettes et personnages combinant de nombreux matériaux. L’ensemble est alors photographié selon les besoins.  Les photos sont recomposées puis numérisées pour servir de fond sur lequel évoluent les créatures. Cette façon de faire selon les techniques  de l’animation traditionnelle donne au jeu un style spécifique.

La combinaison de la programmation d’une vie artificielle à un mode de représentation issu de l’univers des jouets donne à ce jeu sa singularité, utile à décortiquer pour les choix  à faire dans la fabrication des micro-scènes.

Voir Notes de Steve Grant à propos du développement de Creatures.