Dans l’édition partielle en 10-18 (1976) des écrits hors poésies de G.M.Hopkins, qui ne me quitte pas depuis plusieurs semaines, le journal (1866-1875) est inséré entre les carnets (1862-1866) et les lettres (1865-1889).
Le 23 décembre 1869, ses notes sont plus longues qu’à son habitude – il y est revenu en rajoutant plusieurs paragraphes le 23 mars 1870 ( imprécision sur le début de ce complément, qu’on peut seulement faire coïncider avec l’évocation d’une date postérieure: un autre jour, après, ….)
Ce n’est pas une attitude de type génétique textuelle qui me pousse à attacher de l’importance à cette temporalité-là (pas de reconstitution de strates successives formant récit interprétatif, ni de reconstruction biographique ou chronologique).
De quelle manière est-il possible d’envisager une vie humaine dans sa singularité par rapport à cet accès qui nous est donné à l’oeuvre d’une vie entière?
Comment parvenir au discernement de la malléabilité du sens du temps ?
Beaucoup du cinéma expérimental du XXème siècle a exploré magnifiquement le passage de l’attention d’un point à un autre de l’espace.
L’hypothétique était proposé comme modèle de la conscience, chaque chose élémentaire impliquait l’univers. Aujourd’hui les historiens historicisent comme si ces explorations n’avaient pas existé. Mais c’est autre chose que je veux signifier.
Rêve d’un art qui donnerait forme à une plasticité temporelle.
23-12-1869 : c’est une journée où Hopkins revient sur un rêve qu’il a fait la veille.
“Je savais que je rêvais et je produisis ce bizarre dilemne dans mon rêve: ou bien je ne suis pas vraiment avec S. et alors qu’importe ce que je fais, ou si je le suis, le fait de me réveiller me déplacera sans qu’il me soit nécessaire de faire quoique ce soit – et cela suffisait à me satisfaire.”
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Au début de la quête en songe de Poliphile (Hypnerotomachia Poliphili), celui-ci, après avoir franchi une sombre et épaisse forêt, est figuré endormi au pied d’un arbre dans un paysage calme et vallonné pour signifier qu’il rêve qu’il rêve.
La traversée des arbres enchevêtrés s’assimile à un profond sommeil, le dormeur se voit s’endormir. Ce n’est pas la successivité des scènes qui nous en donne la conscience mais plutôt l’acceptation d’une sorte de stéréoscopie.
La forme spatio-temporelle rapportée par Hopkins me fait précisément penser à l’emploi de cette optique 2D/3D par J.L.Godard pour Adieu au langage. L’expression “entre les paupières et les yeux” qu’Hopkins introduit dans la note postérieure, en ouvre la sensation.