le regard de face _ 1

C’est la représentation frontale des yeux avec leur pupille qui donne une facialité aux robots- jouets et créatures virtuelles des enfants. Cela fait suffisamment visage pour s’adresser à des objets qui deviennent “personnage”.
Association avec les vases-visages-têtes et les coupes à yeux, motif très courant dans la céramique attique.

louvre-coupe-figures-noires_2

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Ce sont des récipients larges, à l’échelle du prosopon. Quand le buveur plonge son visage dans la coupe, son regard est à la fois occulté et redoublé aux yeux de ceux qui l’entourent.

buveur seul

Les yeux des coupes sont immenses, grand ouverts. Ils sont séparés par des éléments très divers, du simple nez à des personnages donnant lieu à d’incroyables inventions plastiques.
La pupille est aussi un lieu d’images.

Il y a un très grand nombre d’études sur les coupes à yeux avec des questions qui courent toujours, en prenant le risque des anachronismes que s’autorise la recherche en art (celle-ci est très redevable aux travaux d’érudition que leur “folie florentine” distingue de productions académiques).
Quelques notes de lecture (F.Frontisi-Ducroux, Du masque au visage) :
Aristote différencie la tête et le visage pour l’homme, car seul à se tenir droit, il peut regarder et parler de face. (Histoire des animaux, I, 8; 491b). Il utilise le terme prosopon pour désigner la partie comprise entre la tête et le cou, qui voit en avant (vient du radical ops “oeil, visage”; pros– indique une position dans l’espace, il signifie devant par rapport aux yeux d’un sujet qui regarde). ethos est le terme qu’il emploie pour signifier le personnage (caractère).
“Il est donc raisonnable de minimiser le rôle conféré traditionnellement au masque dans l’aventure sémantique du prosopon. En revanche, le prosopon équivaut très tôt à l’individu. Le visage est considéré comme ce qui identifie chaque être, le fait reconnaître dans sa particularité. Il est le lieu où se manifestent les pensées, les sentiments, les intentions, les désirs, les passions, où se donne à voir cette mobilité qui fait la vie. A travers la relative stabilité des traits de chacun s’opère un rassemblement de cette diversité intérieure, de cette pluralité de forces et de pulsions par quoi se définit l’homme grec, surtout à l’époque archaïque. Le passage, dans les textes homériques, du pluriel prosopa au singulier prosopon témoigne de cette unification. Et surtout le prosopon, “offert aux yeux d’autrui” est le medium indispensable à la projection vers l’autre, vers le groupe social, où s’expérimente le moi et se développe la personnalité.” p.120
“C’est donc bien dans son parallélisme avec le logos que le prosopon devient à la fois personnage agissant, c’est-à-dire parlant tout en montrant son visage, et personne verbale. Il est possible de suivre dans ses modifications la relation des deux termes de ce couple que forment le visage et la parole. Chez Platon comme chez les orateurs, leur parallélisme est constamment affirmé. Le philosophe joue de l’homologie des visages comme de celles des noms, et souligne la symétrie de ces deux modes de ressemblance. Le vis-à-vis, la réciprocité des regards préparent et accompagnent le dialogue socratique et l’échange verbal. Situation que résume le jeu sur les mots prosopon et prosrhésis, qui disent, l’un le voir en face et le visage, l’autre la dénomination et le dire en face: l’interpellation.” p.124
Ce sont les analyses iconographiques des vases et coupes sur la place des représentations frontales parmi les figures de profil et de trois-quart qui relancent les investigations sur le prosopon.
La figure qui n’a pas le droit au terme prosopon est Gorgo. C’est une tête coupée (kephalè) dont la face n’a pas droit au nom de visage. Toutefois, cette “antiface” est toujours présentée frontalement, obligeant à la confrontation avec ses yeux écarquillés. La représentation est une surface plate, sans profil, sans volume.
” La frontalité réglementaire de la Gorgone est une exception dans la peinture céramique attique qui présente régulièrement les visages de profil, s’entre-regardant ou refusant de se voir, selon que ces profils sont convergents ou divergents, dans l’espace de l’image.” p.135
Le visage détourné, l’apostrophè, est d’abord celui de Persée.
Le peintre de Pan a choisi de représenter Persée seul. Le visage détourné, dans le sens inverse à sa marche, il tient tout contre lui la tête de Gorgo en forme de disque faisant face à celui qui regarde la scène.
L’apostrophè désigne le détournement, la volte-face, le mouvement vers une nouvelle direction. Le terme sert aussi comme interpellation linguistique pour les orateurs, le récit épique, figure de style de la réthorique. C’est la frontalité qui provoque l’apostrophé.

Furby _ 2

Transcription de Paul (celui des Cuppets) à propos de son nouveau Furby Boom:
Il a les yeux lumineux et on peut le faire vivre avec une tablette. En premier, il faut mettre les piles, après mettre l’application Furby Boom, cliquer sur jouer, après il faut scanner, il faut qu’il soit à 10 cm de la tablette. Là je vais lui donner à manger … Il recrache les arêtes de poisson, les os. Quand on lui donne une bouteille d’eau, il recrache la bouteille. Avec la tablette on peut lui faire avoir des enfants. Là je vais vous faire éclore un oeuf. Là il est glacé, l’oeuf. Je lui fais faire de la musique. Il tremble et il est en train d’éclore, on le voit un peu et là on voit le Furby bébé, il faut le nourrir, l’adopter et tout; quand il vient de naître, il faut lui donner un nom. On gagne un cadeau, on ne sait pas ce que c’est. Là il est sale, là je vais le faire doucher, on voit le sale,  on peut mettre le chaud ou le froid, voilà je le lave  après le sale  Ce que j’aime bien, c’est qu’il peut faire caca, on le fait asseoir sur les toilettes, il peut faire du caca, un petit, un moyen, un gros et des fois il donne un nouveau truc, et là j’ai une rose. Après on tire la chasse et ensuite on met du parfum. Mon Furby fait plein d’autres choses. Je vous laisse deviner.

Transcription de test- www.choixdesparents: deux “mamans” qui présentent la peluche ( pas différenciées car les voix se mêlent et les distinguer n’apporte rien ici)
Il est super mignon,  il est très attachant et il est un petit peu surprenant, on ne maîtrise pas tout, c’est une peluche qui parle, il parle, il bouge.
C’est une peluche interactive, et là je là réveille. Il marche avec six piles qui ne sont pas incluses et il fonctionne un peu comme il veut. Il parle, il bouge. Il y a des capteurs en fait qui permettent de réagir, donc je peux le caresser, lui faire des petites chatouilles je peux le nourrir, il fait de la musique, il chante, il fait un peu ce qu’il veut quand il veut. Lors de la première utilisation, il parle un drôle de langage, il parle Furby et au fur et à mesure du temps  son vocabulaire va devenir de plus en plus français et son comportement va évoluer; si vous êtes gentil, il va devenir gentil,  si vous êtes un peu du genre Furby,  ça suffit, tais-toi, il va finir par s’exciter et s’énerver, voilà, c’est un peu comme un animal de compagnie, il fonctionne en fonction de comment l’enfant s’occupe de lui. Si vous lui donnez trop à manger, il se met à roter et à péter, donc  ça fait rire les enfants. Donc là je vais l’éteindre. Il n’y a pas de bouton marche-arrêt, il faut tirer sur la queue pendant 10 secondes pour qu’il s’arrête. Pour que ce soit un peu plus rapide, je vais lui enlever sa pile et ça l’éteint( l’autre méthode). Sinon, Furby parle tout le temps et donc, il y a un moment, il faut qu’on arrive à l’éteindre. Deux Furbies qui sont face à face peuvent communiquer et échanger entre eux, c’est sympa dans une même famille. Et aussi il y a une application. quand on connecte le smartphone avec Furby, il faut mettre le smartphone juste devant lui, on a accès à l’application et là on peut faire plein de trucs: on peut le nourrir, lui faire prendre une douche … , on peut prendre soin de lui, et du coup il est tout content. Les enfants adorent ça, toucher à l’application et la faire fonctionner. Comme il est un peu surprenant, vous allez certainement avoir plein de questions ou en tout cas quelques questions et ça tombe bien car il y a une communauté de gens qui se posent les mêmes questions et qui finissent par échanger sur internet, comme nous. Franchement nous, on l’aime bien, il est attachant, il est super mignon, quand il se met à vous envoyer des coeurs, vous allez craquer, quand il se met à pleurer vous allez craquer, donc, il est très attachant. Le deuxième petit plus, c’est rigolo qu’il évolue dans le temps, qu’il ne réagisse jamais deux fois de la même manière, qu’il nous surprenne. Et c’est original, une peluche qu’on peut connecter avec un smartphone, une appli. Quelques petits moins: il parle tout le temp, et au bout de diX minutes c’est insupportable. Le deuxième moins, c’est qu’Il ne réagit pas de manière intelligente, c’est surprenant et c’est bien. Mais de temps en temps, on aimerait bien que la relation soit plus intelligente, plus structurée, plus rationnelle et pas totalement aléatoire. Alors, ne comptez-pas sur le mode d’emploi pour vous aider, car il est très succint. Les enfants ne vont pas l’utiliser en continu mais par phase de 10 mn. Les applis c’est bien mais c’est un petit sujet conflictuel avec les enfants- les écrans. Au final, il est très surprenant.

Transcription fillette qui veut transformer le caractère de son Furby – en princesse
comme mon Furby est méchant, regardez ses yeux , ils sont tout moches. Avant elle était gentille, mignonne et tout et là sans le faire exprès elle est devenue méchante, donc elle est un petit peu malade. Il est devenu hyper fou et méchant. Quand il est méchant, souvent ils ont des flammes et moi il est hyperfou, on dirait qu’il est malade. Pour le faire devenir gentil, il faut le bercer, il adore, il ne parle pas, il faut lui faire des caresses, il adore, il devient gentil, il faut lui faire des petites gratouilles sur le ventre, le balancer. Des fois, il chante. C’est lui qui siffle. Voilà il est changé en princesse.

Transcription enfant qui veut transformer le caractère de son Furby – mode méchant
C’est un nouveau Furby – les Furbies 2013-2014,  avec les yeux et tout, qui parlent et bien sûr moi j’ai le bleu, une fille, et avec sa queue. Comment rendre un Furby méchant? Pour l’instant,le mien est en mode princesse. Pour le réveiller, vous faites ce que vous voulez,  vous le secouez, vous lui donnez à manger. Donc, là elle est toute gentille. C’est normal si vous ne voyez que du blanc dans ses yeux.  Donc là c’est ses petits yeux, elle est toute mignonne. Pour le rendre méchant vous lui faites tout, tout ce qu’il ne faut pas faire en le qualifiant de gentil.  Vous lui tirez la queue, vous lui donnez beaucoup de fois à manger, voilà … Donc quand il a ses yeux comme ça, c’est qu’il est méchant. Furby, tais-toi. Furby change de voix.
Customisation du Furby pour jouer avec lui ( un habitat avec des boîtes en carton, une brosse Barbie pour le brosser, un ruban à piquer sur le sommet de sa tête, un porte-clé Furby méchant à accrocher aux oreilles).

retour sur la méthode _ 2

Comment faire avec l’embarras récurrent que me produit l’outil d’écriture-enregistrement-classement qu’est ce blog-site ?  Jusqu’où faire les phrases, le déroulé d’une argumentation (ce que je ne ferai pas sur un carnet de papier) ? Pourquoi mentionner les références, les rappels, les liens de mémoire ? Pourquoi est-ce que je ne suis pas du tout satisfaite des hiérarchies de distribution et catalogage automatisées ? Pour résoudre certains problèmes, je viens d’agglomérer catégories et tags sous la forme d’un index.
J’ai beaucoup aimé l’usage de la recherche par n’importe quel terme dans les ebooks (par exemple, comment oeil n’apparaissait pas dans les 600 pages du format du livre), juste pour une autre exploration de lecture à l’échelle individuelle sous l’influence de ce champ théorique ouvert par les études littéraires soucieuses de ce qui arrivait aux textes avec les ordinateurs et les réseaux. Néanmoins je ne parviens toujours pas à utiliser Indexy.
Le principe n’est pas de rendre visible les notes de travail.
Re-formulation: utiliser la mise en ligne de ces notes comme la présence la plus juste que je puisse faire sur le web = poursuivre les réflexions sur ce qu’est devenu le web (pour des articles ailleurs) grâce à cette pratique.
Or, les récentes modifications que je laisse advenir dans le projet avec A. ont des implications sur la tenue des carnets 1 et 2. S’entremêlent des observations sous d’autres angles. Je (sujet) suis confrontée à l’immersion dans cette nouvelle effectuation et je suis mise en demeure non seulement dans la méthode mais aussi de manière éthique pour veiller à rester dans la consistance propre de ce qui survient. Je n’avais jamais jusque-là mêlé dessins et textes au même niveau de la pensée, l’un pour/par l’autre. Mais peut-être est-ce  la conséquence d’une attention que je ne prêtais pas jusqu’à présent aux allers retours de construction.

“entre les paupières et les yeux”_ 2

Je ne pensais pas que la note à partir du 23 décembre 1869 allait m’amener à des questions d’optique (dans tous les sens du terme), car ce n’est pas l’optimentalement de Magellan qui m’a conduite à commencer les quelques lignes mais le mode temporel – celui-ci est, pour le coup, le laboratoire de Magellan.
C’est sans doute le fait d’utiliser l’expression “entre les paupières et les yeux” comme titre qui m’a détournée. Il faut dire que je l’ai reprise à cause de l’entre-noir qui m’absorbe dans un projet non mentionné ici pour l’instant (la raison de mon retour obstiné vers Hopkins et Duns Scot).
Je me sens contrainte de consigner maintenant le texte d’Hopkins pour, sans doute, le déplacer bientôt.

“Les images du rêve paraissent également avoir peu ou point de profondeur, être plates comme des tableaux, et souvent on croirait avoir les yeux dessus – pendant qu’on rêve, veux-je dire. Cela causé, sans doute, par la différence toujours ressentie entre les images apportées par le fonctionnement habituel de la vue, et celles qui sont perçues, comme celles-ci, “entre les paupières et les yeux” – toutefois cela ne suffit pas, car nous voyons aussi des couleurs, un brouillon de points et de formes, et, de toute façon, l’obscurité positive, due à la fermeture des paupières dans la fonction visuelle normale; mais j’imagine que ces images sont amenées sur un champ obscur par une action invertie des nerfs optiques ou d’autres nerfs (la même chose vaut pour les sons, les sensations du toucher, etc., dans les rêves). Il semble d’ailleurs raisonnable de supposer que les impressions visuelles relèvent de l’organe de la vue – et qu’une fois logée là, elles sont fixées par la pensée tout comme d’autres images: seulement, une fois éveillé, on ne peut pas les fabriquer à volonté, car l’effort nécessité aurait sur elles un effet destructeur, étant donné que l’oeil dans sa saine fonction éveillée ne reconnaît que les impressions apportées du dehors, c’est-à-dire soit d’au-delà du corps, soit du corps lui-même, produites sur le champ obscur des paupières. Il n’en reste pas moins que j’ai vu, à certains moments propices, des images issues du dedans et qui se trouvaient là, mêlées aux autres: si je ne me trompe, elles sont plus frustres et plus simples, elles sont un peu comme des spectres produits par des choses brillantes quand on les fixe longuement. Je puis en conséquence croire ce que C. avait dit à E.B.: qu’à son réveil il pouvait voir – ce qui va au-delà de leur simple vision sur le champ des paupières – les images de son rêve sur les murs de sa chambre.
Il n’est pas, en réalité, plus ardu pour l’esprit d’avoir tout en même temps la connaissance de ce que voient les yeux, et celle des images qui appartiennent à nos pensées, sans jamais ou presque jamais les confondre, que de ramener à une seule les scènes perçues par les deux yeux, sans jamais les diviser. (Note rajoutée le 23 mars 1870)”

“entre les paupières et les yeux”_1

Dans l’édition partielle en 10-18 (1976) des écrits hors poésies de G.M.Hopkins, qui ne me quitte pas depuis plusieurs semaines, le journal (1866-1875)  est inséré entre les carnets (1862-1866) et les lettres (1865-1889).
Le 23 décembre 1869, ses notes sont plus longues qu’à son habitude – il y est revenu en rajoutant plusieurs paragraphes le 23 mars 1870 ( imprécision sur le début de ce complément, qu’on peut seulement faire coïncider avec l’évocation d’une date postérieure: un autre jour, après, ….)
Ce n’est pas une attitude de type génétique textuelle qui me pousse à attacher de l’importance à cette temporalité-là (pas de reconstitution de strates successives formant récit interprétatif, ni de reconstruction biographique ou chronologique).
De quelle manière est-il possible d’envisager une vie humaine dans sa singularité par rapport à cet accès qui nous est donné à l’oeuvre d’une vie entière?
Comment parvenir au discernement de la malléabilité du sens du temps ?
Beaucoup du cinéma expérimental du XXème siècle a exploré magnifiquement le passage de l’attention d’un point à un autre de l’espace.
L’hypothétique était proposé comme modèle de la conscience, chaque chose élémentaire impliquait l’univers. Aujourd’hui les historiens historicisent comme si ces explorations n’avaient pas existé. Mais c’est autre chose que je veux signifier.
Rêve d’un art qui donnerait forme à une plasticité temporelle.

23-12-1869 : c’est une journée où Hopkins revient sur un rêve qu’il a fait la veille.
Je savais que je rêvais et je produisis ce bizarre dilemne dans mon rêve: ou bien je ne suis pas vraiment avec S. et alors qu’importe ce que je fais, ou si je le suis, le fait de me réveiller me déplacera sans qu’il me soit nécessaire de faire quoique ce soit – et cela suffisait à me satisfaire.”

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Au début de la quête en songe de Poliphile (Hypnerotomachia Poliphili),  celui-ci, après avoir franchi une sombre et épaisse forêt, est figuré endormi au pied d’un arbre dans un paysage calme et vallonné pour signifier qu’il rêve qu’il rêve.

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La traversée des arbres enchevêtrés s’assimile à un profond sommeil, le dormeur se voit s’endormir. Ce n’est pas la successivité des scènes qui nous en donne la conscience mais plutôt l’acceptation d’une sorte de stéréoscopie.

La forme spatio-temporelle rapportée par Hopkins me fait précisément penser à l’emploi de cette optique 2D/3D par J.L.Godard pour Adieu au langage. L’expression “entre les paupières et les yeux” qu’Hopkins introduit dans la note postérieure, en ouvre la sensation.

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Le théâtre du Globe, métaphoriquement, au centre de Magellan.
En train de poursuivre sous forme de perséphones plusieurs types de coupole/bol à l’échelle de deux mains réunies faisant récipient et dans la lecture des carnets de G.M.Hopkins:
Gulf, golf. Si ce jeu tire son nom des trous où la balle doit entrer, ces mots sont peut-être connectés, ayant tous deux une racine signifiant: creux. Gulp, gula, hold, hilt, kolhos, caelare (rendre creux, creuser, enterrer), caelum qui est par conséquent identique comme s’il était ce qu’on supposait autrefois: une traduction de kolaov, hole, hell (the hollow hell: le creux enfer), skull (mâne), shell (coquillage), hull (coque) (des navires et des haricots). p.30
J’étais allée voir du côté de vessel, vaissel (moyen français) de vascellum qui associe les navires et les objets sacrés concaves (aussi comme ils peuvent apparaître en mer) – envaisseler.
Et dans le même temps, la nef (navire, partie qui soutient la voûte, laquelle a la forme d’une coque inversée) qui permet d’arriver à la navette – celle du tissage (voir F.Frontisi-Ducroux et J.P.Vernant, Dans l’oeil du miroir, la navette et le miroir sont représentés d’une façon telle qu’ils se confondent).

Capture d’écran 2015-11-17 à 09.39.19

Le premier prototype a fait partie de l’ensemble de près de loin, inséré dans une exploration de nature architecturale (tectonique et stéréotomie). Chacune de ces perséphones est la condensation d’une sorte de répertoire de rapports entre substance et structure dans la “prise de forme”. La sensation de déposer quelque chose sur laquelle revenir était signifiée par les tables de papier sur lesquelles étaient placés les objets du même matériau, rendu invérifiable par le travail de dessin-leurre d’une substance. La scène entière pouvait être emportée par le vent ou froissée à jamais comme une feuille. histoire de dire que ce n’est pas le registre du motif (pattern) mais du déplacement de la condensation.

Avec Magellan, les personnages sont apparus.
Le bol/coquille/voûte/navire se charge. Il se met en acte – comme le principe du carnet rouge/carnet noir: l’in actu d’une singularité.
voir Paul Klee, Les deux voyageurs eurent la hardiesse de s’abandonner aux flots sous cette voûte.

retour sur la méthode_1

Le fait de tâcher de considérer ce site comme un lieu de travail qui me permet de consigner des notes et d’y revenir autrement que dans des carnets de papier m’amène à toujours revenir de manière quasi brechtienne sur les outils utilisés.
La temporalité affichée des notes et des pages est celle de l’outil informatique. Comme je reviens sur celles-ci en changeant quelques mots ou en ajoutant, enlevant des paragraphes, c’est la première date et heure d’enregistrement. Mais je peux aussi insérer une note que je n’ai pas faite à une date passée mais dont je me souviens, et qui ne “peut” exister qu’enregistrée à ce moment passé en regard du déroulé temporel.
Je me demande s’il est nécessaire de distinguer précisément les versions – comme des ajouts se verraient dans les marges ou entre les lignes etc …
J’ai aussi mis en place deux systèmes différents d’annotations des pages et des “billets” ainsi qu’un glossaire de type distant reading  sur lesquels je dois revenir car je ne suis pas satisfaite.
Les pages correspondant aux principes des projets sont plus complexes à gérer que je ne l’imaginais, dans la mesure où je les vois comme des réceptacles pour d’autres usages.
Dans les deux cas, jusqu’où développer, quelle écriture ? L’idée est de ne pas être dans le principe de “l’article” mais force est de reconnaître que j’écris autrement sur papier et que la typologie blog a tendance à formater la notation et le rythme.
En ligne, en mode public sans commentaires ouverts, comme réponse aux injonctions de présence en ligne, ces notes de travail construisent une exposition de ce qui n’est pas immobilisé, pas prêt, pas organisé – une sorte de théâtre d’activités ou d’ombres.
Les outils “embarqués” comme Scoop It ou Google docs ont leur propre temporalité. Cela produit des déroulés d’images dont les transformations de la compilation ne sont pas visibles à moins d’aller les voir. Ce sont des outils pour usagers du web – ils sont pour l’instant peu détournés mais cela fait aussi partie du jeu.

M.McLuhan / S.Giedion

La biographie de McLuhan par Douglas Coupland: une adéquation stylistique très réussie qui, de plus, fait saisir le plus grand malentendu qui a fait de McLuhan un adepte de ce qu’il étudiait, décrivait alors qu’il le dénonçait.
Douglas Coupland saisit la figure de McLuhan telle qu’elle est généralement prise en la reconfigurant selon différents points de vue de la manière dont il travaille ses textes en forme de romans. Les techniques de composition font appel à la digital litteracy post-McLuhan et permettent de le considérer hors académisme, tant dans les méthodes, les impasses, les fulgurances et les formulations – une pensée d’artiste plutôt que théoricien des médias, de la recherche-création.
Envie de revenir de plus près aux formes et formats utilisés à partir de la Mariée mécanique, d’une part pour la question des patterns et d’autre part pour la manière dont sa pensée s’est enracinée dans le monde de l’invention de l’imprimerie, soit le monde magellanesque – celui de mécanisation de la culture dont il analyse les effets jusqu’à l’arrivée des médias électriques et électroniques de manière radicalement différente de l’Ecole de Francfort.
Relations avec:
H.A.Innis 1
S.Giedion 1, 2, 3
E.Carpenter 1
J.Tyrwhitt 1, 2
J.Joyce 1

Tadeusz Kantor_1

Bruno Schulz, “les mannequins”, “le traité des mannequins”:
C’est “souvent pour un seul geste, pour une seule parole, que nous prendrons la peine de les appeler à la vie (pour un instant …) S’il s’agit d’êtres humains, nous leur donnerons par exemple une moitié de visage, une jambe, une main, celle qui sera nécessaire pour leur rôle”.
“Figures du Musée Grévin, mes chères demoiselles – mannequins de foire, oui; mais même sous cette forme, gardez-vous de les traiter à la légère. La matière ne plaisante pas. Elle est pleine d’un sérieux tragique.”
Kantor poursuit en construisant des machines à comportement.
J’imagine une scène où tout est responsable – je l’ai tenté il y a une vingtaine d’années avec Tantôt Roi Tantôt Reine, Ava Pandora, Pacifique, Flying Lady mais sans le formuler exactement comme ça. Mes questions étaient de cet ordre: qu’est-ce qu’une scène ? La scène n’appartient pas qu’au théâtre, il y a celle de la psychanalyse …
L’intérêt que j’ai pour les intrications entre le médium digital et les outils numériques depuis les débuts d’Internet et du Web, me fait revenir, malgré moi, à cette question de la scène dans une toute autre “anthropologie”.
Il ne s’agit pas d’utiliser des objets techniques mais du souci des choses, des images, du langage captifs du milieu technique qui est le nôtre.
Relecture du Théâtre de la Mort. L’insu, quelque chose de ce que Kantor appelait “cet obscur procédé qu’est la REPETITION”.

OS-tan

Les OS-tan sont nées sur le premier forum à images, Futaba, à cause de l’instabilité des systèmes d’exploitation Windows.
Me-tan, la première figure-manga de jeune fille à représenter un OS est née le 6 août 2003, date de son téléchargement.

8ef

Peut-on rapprocher cette personnification d’un 0S de la supposée date de naissance du fameux Astro boy, inventé par Ozamu Tezuka en 1952, ce petit robot qui fait l’interface entre les cultures des hommes et des machines,  le 7 avril 2003 ?

Personnification d’un système d’exploitation dans la culture geek / soigner (pour qu’elle ne meure pas) une créature virtuelle dans la culture de la consommation ?

carnet rouge

Si le carnet rouge de Magellan renvoie directement au verzino, qui donna son nom au Brésil. L’Amérique du Sud était couverte d’autres variétés plus stables pour la teinture que celles que l’on faisait venir à grands frais d’Asie ou d’Afrique.
Les nombreux ouvrages sur l’histoire des couleurs insistent sur le fait que, jusqu’à la chimie moderne, ce qui importe c’est la densité, la profondeur et l’éclat de la couleur. Le carnet rouge est une sorte de circumnavigation de la capture de la teinte sur la surface du papier.
Mais il s’agit aussi de nombreuses interrogations à partir de la fabrication de l’exemplaire unique du Livre Rouge de Jung. Je voulais trouver un moyen de revenir sur la manière dont le trait, le contour et la couleur sont données à voir, après le trouble éprouvé dans l’exposition qui a eu lieu, il y a quelques années au Musée Guimet.
A regarder de plus près: “A Londres, les teinturiers jouissaient du droit d’élever des cygnes sur la Tamise, privilège autrefois réservé aux seuls souverains.” in Amy Butler Greenfield, p.28

Arlequin

En cherchant d’autres éditions d’Arlequin parmi les jouets de la seconde moitié du XIXème pour voir en quoi se distinguait celui choisi par Mallarmé, cet Arlequin sur autruche  – jouet à traîner.

autruche en carton pressé, Arlequin à tête en biscuit, mouvement du bras et de la tête du personnage
H: 53 cm, L: 27 cm, vers 1900.

autruche1 autruche4 autruche3 autruche2

Il m’intéresse autant par rapport à l’Arlequin que par rapport aux perséphones produites pour Magellan.

Comment un Arlequin joufflu se retrouve sur une sorte d’autruche-flamand rose à roulettes ? Lequel est étranger à l’autre ?
L’occasion de rapporter, pour la reprendre de manière plus détaillée, la conversation que j’ai entendue entre un père et son fils d’environ 8 ans dans un café proche du Jardin des Plantes: tu veux aller voir les squelettes ou les animaux empaillés ?
Pour la série des cygnes de Magellan, il s’est agi de parvenir à la forme du cygne structurellement et émotionnellement.

la dame de chez Wepler

Appris qu’il ne serait pas possible de travailler sur le fonds E.Levinas (à l’IMEC) car celui-ci est inaccessible pour des questions de droits. Je dois donc partir de la version génétique pp.129-154 du volume 3 (Grasset/IMEC), intitulé Eros, littérature et philosophie – Essais romanesques et poétiques, notes philosophiques sur le thème d’éros, publié sous la responsabilité de Jean-Luc Nancy et de Danielle Cohen-Levinas. La lettre 18 de l’IMEC rend compte des archives E. Levinas et publie une image d’une page de la dame de chez Wepler.
La note sur l’établissement du texte et celles de bas de page pour recréer un processus rythmique – du dessin toujours.

Hatsune Miku + Furby

Hatsune Miku est la chanteuse la plus célèbre des Vocaloid. Elle se produit en concert/spectacle sous forme d’hologramme – par exemple The End qui a débuté en 2013 au Bunkamura de Tokyo.
Vocaloid est un logiciel de synthèse vocale pour produire du chant. Il permet d’utiliser plusieurs banques de données enregistrées avec des voix d’acteurs ou de chanteurs, chacune étant vendue pour agir comme un chanteur réel.
Dans le même registre, issu du succès de la première version de Vocaloid,  UTAU est un gratuiciel très populaire depuis 2008. Comme il permet d’enregistrer sa propre voix dans la base de donnée pour créer une mélodie, UTAU sera particulièrement utile pour constituer une base de données vocales Furby.

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Un iPad-robot de téléprésence utilisé pour faire la queue et acheter le tout nouvel iPhone dès sa sortie – l’iPad est monté sur une sorte de Segway pilotable à distance et sa propriétaire est disponible à tout moment en ligne jusqu’à l’achat final (la carte bancaire a été glissée dans la base sur roues). L’ensemble a donc la forme d’une tablette/ visage surmontant une tige verticale encastrée dans un boîtier rond mobile. Il est produit par Double Robotics, compagnie qui présente l’avantage de désigner sans scrupule les nécessités du doublage de la présence physique dans l’optique de la mobilisation totale 24h/24 selon les termes de Maurizio Ferraris et de Jonathan Crary.
+ une version DIY

+ copie d’écran partielle correspondant au terme iPad robot pour construction d’un album pop- up analytique (on et off line)

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Pendant la résidence à La Pratique, Marie Dqb et moi, avons formé un binôme suivant le principe de l’invitation. Nous avons entrepris un travail commun (ensemble et séparé) à partir du déroulé du projet ASSEZ VIVANT, une sorte de chemin de traverse qui croise et réunit quelques-unes de nos préoccupations, autorisant des digressions et incitant en retour à d’autres actes dans nos matières et manières respectives. Nous avons commencé à imaginer des assiettes historiées ou parlantes, que nous avons interprétées à cette étape sous forme de projection mobile balayant un ensemble de vaisselle en carton blanc accroché au mur, en attente de son décor.

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Dans la série des jouets associant smartphones ou tablettes avec un objet-figurine via une application gratuite à télécharger, il y a les Cupets.
Les Cupets sont proposés par le groupe Giochi Preciozi et ils sont fabriqués en Chine. Leur emballage blanc rappelle fortement l’esthétique Mac et identifie l’objet comme appartenant à l’univers des technologies numériques, avec les logos de téléchargement de l’application et les images d’écran qui encadrent la fenêtre transparente où apparaît le Cupets.
Les Cupets sont des cubes-animaux de 3,4 cm environ de côté (la composition du matériau plastique coloré et peint qui arrondit les angles n’est pas mentionnée).
Animaux proposés: loup, chauve-souris, sanglier, chat, poussin, chien, poisson, grenouille, rat, cochon, serpent, tortue.
De la notice (écrite pour qui? – dans la version française alternance entre tutoiement et vouvoiement), on peut relever que les figurines se collectionnent avec la possibilité de leur ajouter des accessoires pour les personnaliser et qu’il faut prendre soin d’elles. Il est suggéré de les emmener partout avec soi, en les accrochant via le petit anneau prévu à cet effet.
Chacune d’elles permet quelque chose de nouveau: l’accès à plus de contenus digitaux.
“Grâce à la réalité augmentée, découvre tes personnages virtuels prendre vie dans ta tablette ! (…) Chaque Cupets comporte un symbole coloré sur le dessus. Lorsque vous entrez dans la fonction Réalitée Augmentée, la caméra de votre tablette ou Smartphone est démarrée automatiquement. Tenez la caméra au dessus du symbole coloré situé sur votre Cupets … et découvrez la magie ! La première fois que vous utiliserez votre nouveau Cupets, il vous sera demandé d’entrer le code que vous trouvez sous votre personnage. Pour activer votre Cupets sur votre tablette ou Smartphone, une connexion internet est nécessaire. Votre Cupets est maintenant prêt, vous pouvez jouer avec lui, le personnaliser et l’utiliser pour jouer aux jeux.»
Sur la webTV GenerationJOUETS.fr au slogan sans détour “Les jouets d’aujourd’hui forment les générations de demain”, tous les mercredis, un enfant (appelé Paul) présente un nouveau jeu.
Retranscription directe de Paul à propos des Cupets:
“En fait, les Cupets, c’est des petits animaux en cube qui peuvent se téléporter sur les tablettes. Il faut les acheter. Pour les téléporter, il faut appuyer sur la caméra, après vous pouvez voir …”  (hésitations,  il se met derrière la caméra, c’est-à-dire derrière la tablette, en disant comme moi en même temps qu’on le voit). “Au début, vous devez choisir le Cupets que vous voulez.” Il le caresse pour l’animer puis il va montrer comment téléporter la grenouille. Elle est encore dans la boîte, il explique comment rentrer le code. puis il en vient à la téléportation: “les personnages, c’est grâce aux dessins qu’ils ont sur la tête qu’on peut les voir … (sorte de doute), les téléporter. vous pouvez les accrocher à des porte-clefs, les collectionner”. Il a envie d’en faire la collection.
“Vous pouvez le caresser, vous pouvez lui faire des guilli avec la plume”. Il énonce presque toutes les actions de la liste à droite. “Vous pouvez jouer avec lui”  – il montre le ballon. “Vous pouvez jouer à des jeux. Quand il y a deux Cupets, vous pouvez jouer à CuTotem. Vous pouvez changer de visage, lui dire de mettre des mots, lui donner à manger; vous gagnez des niveaux en faisant ça, vous pouvez lui mettre des casquettes.”  Il  décide de montrer comment jouer à Cupets World, “au monde de la chauve-souris parce qu’il y a des mondes spéciaux faits que pour des Cupets, et hop!, et en plus le deuxième monde est gratuit. Au tout premier monde, il vous apprend comment faire des trucs, comment jouer. Il y a différents animaux, il y en a 12 et il y a un monde hiver mais je ne sais pas comment on le trouve il faut des animaux polaires.” Il revient vers son Cupets. “Vous pouvez lui mettre des chapeaux, des couronnes mais il faut les acheter et ça, c’est pour (…)” Il hésite et ne trouve pas les termes. “En fait je vais vous montrer comment on fait.” Il revient à une autre étape avec les descriptions des tubes couleurs-niveaux (à gauche). “Pour gagner l’énergie jaune, il faut faire ça (le caresser), pour gagner l’énergie rouge il faut lui faire du sport, gym, comme ça, et après ça monte, pour lui faire je ne sais plus comment ça s’appelle, et pour la nourriture il faut lui donner à manger”. “Ce qui est bien, c’est que si vous achetez  des chapeaux, vous pouvez vous en servir pour d’autres. Et même si vous êtes au niveau 20 d’un Cupets, vous achetez moins cher les autres choses” et il montre la nourriture – le hotdog vaut aussi pour le cochon.” Sinon ça coûte 750 pièces mais c’est pas beaucoup, parce que moi, je peux en gagner 1000, et quand il est sale, vous pouvez le laver. Il essaye ensuite de ne rien oublier des mini-jeux proposés pour finir par CuTotem dans lequel il faut aligner les faces de tous les Cupets superposés. Il ne donne aucun terme pour cette opération.